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Interview exclusive : Quel est le rôle du doudou en (dé)confinement ?

Aujourd’hui, nous parlerons du rôle du doudou en confinement avec notre invitée, le Docteur Anne Dumont.

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La Pelucherie : Anne, en quelques mots qui es-tu ?

Anne : Je suis Anne Dumont, médecin, pédopsychiatre et spécialiste des liens mère-bébé.

La Pelucherie : En guise d’introduction est-ce que tu pourrais nous dire quelle est la place du doudou en situation de confinement ?

Anne : Pendant la période de confinement, les rythmes et les repères changent : les enfants sont exposés de manière permanente à leurs parents et ces derniers ne sont pas nécessairement dans leur état habituel. Souvent, les parents masquent leurs émotions car ils sont anxieux face à la situation : les craintes peuvent être liées à leur emploi, à la peur que le virus rentre dans la maison, etc. Tout ce bain d’émotion induit que les enfants nécessitent plus d’attention, et ont besoin, sans doute plus que d’habitude, de réguler leurs émotions. Le doudou a donc dans cette situation un rôle de médiateur : il permet d’apaiser l’enfant au milieu de toutes ces émotions anxiogènes. Les enfants perçoivent leurs besoins, donc ils prennent leur doudou lorsqu’ils en sentent la nécessité. Il ne faut pas s’étonner néanmoins qu’ils en aient davantage besoin que d’habitude.

La Pelucherie: Aujourd’hui, les parents sont plus ou moins stressés. Il y a un nouveau rythme à trouver avec les enfants, donc c’est sans doute ce changement qui les perturbe aussi…

Anne : Exactement, la maison est comme un sanctuaire pour l’enfant. C’est un havre de paix, un lieu sacré. Le travail, les enfants l’acceptent si c’est quelque chose qui est habituellement présent à la maison. Si le télétravail a été installé de manière brutale, sans l’expliquer à l’enfant et de manière très répétée et intense, l’enfant, quelque soit son âge, va sentir que ce travail fait intrusion dans son sanctuaire. Il a le sentiment qu’on lui vole son parent et sa vie privée, et cela peut avoir des effets très dommageables pour lui : il peut se sentir menacé, anxieux, d’autant plus que ses parents sont sans doute plus stressés encore de voir leur enfant avoir peur, ce qui augmente le climat anxiogène autour de lui. Tout ceci peut provoquer chez le petit des troubles du sommeil ou du comportement.

Anne : De plus, de manière générale, lorsqu’on doit télétravailler, on doit le faire à 100%. Mon conseil serait donc d’alterner le télétravail entre les deux conjoints, ou bien dans une situation de famille monoparentale, de demander un arrêt maladie pour pouvoir s’occuper de(s) l’enfant(s). C’est très dommageable pour les petits d’avoir un parent qui n’a pas une qualité de présence suffisante. Le télétravail, c’est donc très bien quand on peut s’organiser afin d’avoir des vraies périodes de qualité avec les enfants.

Anne : J’en profite d’ailleurs pour faire une petite transition… On a tous tendance lorsqu’on télétravaille à mettre nos enfants devant la télévision. Mais la télé-nounou, c’est très dommageable : on ne contrôle ni ce que les enfants voient ni le temps qu’ils y passent. Il faut aussi savoir que lorsqu’ils regardent la télé, les petits vont être surstimulés via une attention réflexe. Dès lors, ils seront moins à même de mobiliser leur attention sélective, qu’ils utilisent notamment pour dessiner, etc. Cela va donc venir manger sur du temps d’attention de qualité. Il faut donc bien faire attention à la télé… Surtout qu’un autre problème de la télé, c’est celui des chaînes d’info qui ressassent en permanence des nouvelles extrêmement anxiogènes. Si vous voulez vous renseigner, privilégiez plutôt la presse en ligne.

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La Pelucherie : Et il vaut mieux aussi j’imagine ne pas travailler dans la même pièce que celle des enfants…

Anne : Oui. On peut d’ailleurs faire le parallèle avec les générations d’avant : dans les familles paysannes, les parents travaillaient souvent aux champs avec leurs enfants à côté d’eux, et les petits s’occupaient tous seuls. Mais les parents pouvaient toujours garder un œil sur eux. Dans une situation de télétravail, on n’a pas cette possibilité car on doit être concentré à 100% sur notre tâche, surtout si on est en ligne avec un client ou un collègue. Les petits savent aussi de leur côté qu’ils sont « lâchés » d’une certaine façon.

La Pelucherie : Et est-ce que c’est bon de changer les rituels du quotidien pour les adapter au rythme du confinement ?

Anne : Je pense qu’il vaut mieux garder les rituels les plus fixes possibles. On doit aussi s’adapter, mais c’est important de conserver quelque chose de constant qui permette à l’enfant de ne pas trop se poser de questions. Je vous conseille de garder les mêmes heures de coucher, les mêmes heures de sieste et les mêmes heures de repas.

La Pelucherie : Quitte à si jamais ils ne dorment pas, qu’ils fassent un temps calme…

Anne : Exactement. Gardez aussi en tête que s’il y a des temps un peu plus intensifs dans les jeux, ce sera sans doute plus facile d’ensuite faire accepter à l’enfant une période de repos. Je préconise aussi la sortie si vous vivez dans un lieu petit et sans extérieur, parce que c’est très difficile pour des enfants de ne pas prendre l’air et de ne pas se sentir libres.

La Pelucherie : Et si jamais on est amenés à sortir, est-ce que le doudou peut venir avec nous ?

Anne : Bien sûr, le doudou est comme un prolongement du bébé, donc bien évidemment !

La Pelucherie : Sur un autre sujet, comment aider les enfants à préparer le déconfinement ?

Anne : Il faut qu’on les aide à ne pas prendre peur en les rassurant sur la façon dont l’école va les accueillir, sur comment les mesures se justifient, etc.

La Pelucherie : Et comment composer avec les masques ?

Anne : Je conseille de les familiariser avec les masques dès maintenant, pour qu’ils ne soient pas surpris lorsqu’ils sortent de voir tous ces adultes en porter. On peut aussi mettre un masque à doudou pour vulgariser la chose… Et penser aussi à inciter les enfants à toujours se laver les mains après les repas, les activités, etc.

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La Pelucherie : Et quels mots utiliser pour ne pas leur faire peur ?

Anne : Il faut être honnête, les enfants sont des personnes et on leur doit la vérité. On peut leur parler du fait que cette maladie fait mourir, cependant il faut aussi évoquer que des morts il y en a tous les jours, sauf qu’on n’en parle pas. Pouvoir dédramatiser ça, c’est important. Il faut aussi leur expliquer ce que sont les microbes : de tous petits animaux qu’on ne peut pas voir mais qui peuvent attaquer notre corps. Mais lorsqu’on leur en parle, il faut toujours contrebalancer en évoquant qu’on a aussi des petits soldats dans notre corps qui nous permettent de nous défendre contre le virus, et que s’ils ne suffisent pas, on peut toujours aller voir un docteur pour qu’il nous prescrive des médicaments pour nous aider à combattre la maladie. Sur ce point, je vous conseille le dessin animé Il était une fois la vie.

La Pelucherie : Une abonnée nous a conseillé aussi le livre de Tony Ross, Lave-toi les mains – La petite princesse, qui aborde le sujet du microbe. Et sur un autre sujet, Cœur d’Artiflo a fait des dessins disponibles en ligne sur les gestes barrières.

La Pelucherie : Peut-être aussi que si on est un adulte de nature plutôt anxieuse, mieux vaut expliquer à l’enfant directement la nature de notre peur face à cette crise…

Anne : C’est vrai qu’en tant qu’adulte on a l’impression qu’il ne faut pas mettre des mots sur nos émotions. Sauf qu’en ne disant pas ces choses, on favorise le fait que l’enfant imagine lui-même ce qui fait peur à son papa ou sa maman. Or les enfants imaginent toujours le pire… Il vaut donc mieux leur dire directement que vous êtes anxieux afin qu’eux aussi acceptent d’avoir peur.

La Pelucherie : Une question d’une internaute : en cas de terreurs nocturnes, est-ce que c’est une bonne idée de mettre un matelas pour le parent au chevet de l’enfant jusqu’à ce que la situation s’apaise ?

Anne : Si ces terreurs nocturnes sont nouvelles, il est très important de rassurer l’enfant pendant les temps d’éveil. La nuit cependant, essayez de ne pas trop changer les choses car cela pourrait inciter l’enfant à les considérer comme de nouvelles habitudes. Il faut éviter de trop s’écarter des rituels habituels. Les parents doivent aussi veiller à conserver leur sphère privée, et c’est aussi valable en période de confinement. On peut néanmoins trouver des rituels comme la tisane avant le coucher pour avoir un temps de transition entre l’éveil et la nuit partagé par le parent et l’enfant. Ces types de rituels permettent d’apaiser l’enfant avant l’endormissement.

La Pelucherie : Je crois que tu as répondu à toutes nos questions… Un grand merci de nous avoir éclairé(e)(s) !

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